Asie 21 - Futuribles international, présentent:

L'ASIE DEMAIN permanences et mutations (L'Harmattan)

 

L'ASIE DEMAIN: permanences et mutations

 L'Asie, c'est aujourd'hui plus de la moitié de la population de la planète et une part croissante de l'économie mondiale. Demain, cet ensemble extrême-oriental peut donner corps à un monde réellement multipolaire, et son rôle de partenaire stratégique ne pourra être méconnu des Européens.

Mais où en est l'Asie, cinq ans après la crise financière et économique qui l'a si fortement éprouvée ? Où va-t-elle au moment où les grands équilibres géopolitiques sont remis en question ? Quelles dynamiques commandent son devenir ? 

Cet ouvrage vise à donner au lecteur les éléments d'appréciation nécessaires à la compréhension des mutations en cours au regard de la permanence de ses traits fondamentaux. Il analyse le concept d'Asie et sa pertinence actuelle, puis le redéploiement de la croissance régionale qui donne un rôle prééminent à la Chine et soulève la question de l'organisation économique de l'Asie du nord-est ; il montre la prégnance d'un modèle de pouvoir "asiatique", plus répandu et constant qu'il n'apparaît ; il décrit les prémices d'un face-à-face sino-américain et ses conséquences sur la géostratégie asiatique ; il présente enfin les liens qui s'instaurent entre l'Europe et l'Asie. L'ensemble s'achève sur le tableau des grandes questions pour une prospective de l'Asie. Des annexes fournissent des documents de référence, notamment sur les Sommets Asie Europe (ASEM).

 Cet ouvrage est collectif. Ses auteurs, parmi les meilleurs connaisseurs de l'Asie, offrent une grande diversité d'approche. Ce sont, pour la plupart, des membres d'Asie 21, le groupe de réflexion prospective sur l'Asie de futuribles INTERNATIONAL 


Liste alphabétique des auteurs :
  • Anne ANDROUAIS,
  • Sophie BOISSEAU du ROCHER,
  • Jean-Marie BOUISSOU,
  • Philippe DELALANDE,
  • Henri EYRAUD,
  • Guy FAURE,
  • Anne GARRIGUE,
  • Pierre GENTELLE,
  • Alain HENRIOT,
  • Jean-François HUCHET,
  • Michel JAN,
  • Marc MENGUY,
  • Rémi PERELMAN,
  • Jean PERRIN,
  • François RAILLON,
  • Christian TAILLARD,
  • Xavier de VILLEPIN,
  • Alain WANG.

     

Présentation de l'ouvrage collectif L'Asie demain, permanences et mutations

- 8 octobre 2003

 Notre groupe, Asie 21, est à la fois fier et modeste. Fier d'avoir produit un ouvrage collectif, car si le format est habituel dans le cadre universitaire, il constitue une prouesse pour un ensemble de personnes d'origines professionnelles diverses, qui se retrouvent régulièrement, certes, mais brièvement et sans cadre de travail permanent. Mais en même temps, modeste, et même fondamentalement modeste, pour une raison simple : se poser des questions sur l'avenir est en soi un exercice risqué, mais le faire à propos d'un ensemble aussi vaste, complexe et mouvant que l'Asie orientale et sud-orientale l'est bien davantage. Des probabilités, des vraisemblances, des hypothèses, des futurs possibles, somme toute, des propos susceptible d'être remis en cause dès le lendemain, bref, le défi permanent adressé à la prospective.

Notre propos s'est situé dans le cadre de cinq thèmes. Les quatre premiers ont été développés lors de la journée d'étude du 10 octobre dernier (NDLR: 2002) et largement retravaillés - rappelons les brièvement : les espaces asiatiques, la croissance économique, la question du modèle asiatique, la relation de l'Asie en général, de la Chine en particulier, avec les Etats-Unis. Le cinquième, en filigrane dans nos réflexions, s'est concrétisé dans l'ouvrage. Il amorce l'exposition des relations entre l'Asie et l'Europe. Ce sujet fait, de plus, l'objet de nombreuses annexes, qui réunissent pour la première fois une documentation mise à jour, notamment sur les Sommets Europe-Asie, les ASEM.


Avant de présenter sommairement ces thèmes, il n'est pas inutile de préciser les deux objectifs et les trois visions de notre groupe.

Un double objectif : engager une démarche prospective et contribuer à l'information d'un public large. C'est ce qui, pour une bonne part explique la forme adoptée.

Il s'agit d'une publication destinée à l'information plus qu'un acte d'érudition, même si la plupart de ses auteurs ont pu produire par ailleurs des ouvrages de fonds. L'exposé principal de chaque thème s'accompagne de points de vue complémentaires qui, sans avoir l'ambition de faire le tour de la question ont pour à la fois de but de proposer un éclairage particulier sur le sujet et de faciliter une lecture rapide . En effet, nous l'avons voulu accessible à un public plus large que le cercle des spécialistes de l'Asie. Nous serons probablement tous d'accord ici pour penser que la plupart de nos compatriotes n'ont pas encore une vision suffisamment claire de cette région, alors qu'il s'agit d'un ensemble considérable du monde. Dans une période de dépendance internationale croissante, il serait dangereux que les zones d'ombre voire d'obscurité soit trop nombreuses. Nous souhaiterions que cet ouvrage soit un document de travail, vigoureusement annoté, un support de discussion et, pourquoi pas, le point de départ d'un forum sur Internet.

C'est aussi l'engagement d'une démarche prospective. Né dans le giron de Futuribles International, notre groupe s'est efforcé de discerner les futurs possibles de l'Asie orientale et sud-est orientale au regard de leurs implications pour l'Europe. En filigrane dans la presque totalité des contributions, cette démarche se trouve explicitement dans la conclusion, qui rassemble et formalise les principales questions que l'Asie pose à l'Europe, telles que ces questions sont vues depuis notre pays. Il n'est en rien certain en effet que vues du Danemark, de la Grèce ou de l'Allemagne, ces questions se trouvent posées à l'identique. Bref, en ce qui nous concerne, les principaux éléments nécessaires à la discussion sont ainsi rassemblés et "mis à plat" pour l'élaboration de scénarios contrastés (les futurs possibles, les "futuribles"), susceptibles d'être développés. Même si l'on démontrait qu'elles ont été mal formulées ou fragmentaires, ces questions forment un corpus consistant, schématisé dans cet ouvrage pour les rendre plus faciles à saisir comme point de départ de débats que nous espérons multiples et fructueux y compris sous la forme d'un forum, comme évoqué à l'instant.

Ces questions s'inscrivent sur trois trames qui se recoupent sans se confondre, ou plutôt, dans une triple vision, développée et affermie au fil de nos réunions.

Une vision sino-centrée, qui, auscultant en permanence les faits et gestes de l'Empire du milieu et de sa diaspora, en tire des conséquences (de nature hypothétique) pour sa vaste population et son environnement géo-économico-politique proche et lointain, au regard notamment de l'économie mondiale de marché et des rapports entre puissances majeures ;

Une vision multi-centrée de l'Asie, fondée sur la diversité fondamentale des sociétés asiatiques et de leurs parcours, qui, sans négliger leurs influences mutuelles, permettent de décrire des destinées spécifiques. Cette vision déborde des limites du monde chinois et de ses glacis, pour s'étendre à l'Asie centrale, à l'Extrême-Orient russe comme au sous-continent indien. A vrai dire, l'Asie du sud-est pourrait bien en constituer le pivot.

Une vision transversale de l'Asie, au regard de ses ressorts vitaux : la puissance de ses soubassements démographiques et culturels, mais aussi ses besoins en énergie, son comportement à l'égard de l'environnement forestier, le défi d'une croissance urbaine exceptionnelle, la confrontation de l'exercice du pouvoir à la pression de l'idéal démocratique et des droits de l'homme, l'apport propre de l'Asie à la définition d'une universalité qui ne serait plus exactement celle que propose le seul Occident…

Ces visions se nourrissent des tendances lourdes qui, s'appuyant sur la continuité des faits et la convergence des opinions, caractérisent l'évolution de cette région, en même temps qu'elles relèvent des questions attachées aux incertitudes majeures, aux situations instables qui alimentent des interprétations différentes - voire diamétralement opposées - et soulèvent des controverses. Avant d'y venir, parcourons ensemble rapidement cet ouvrage.


La première partie, les espaces asiatiques, avec Guy Faure, de l'Institut d'Asie Orientale de Lyon, aborde l'espace à géométrie variable de l'Asie. A quelle époque, qui et pour quelles raisons a t-ont été amené par exemple, à parler d'Extrême-Orient, d'Asie du Sud-Est, d'Asie-Pacifique ? Appartenant aux seuls thésaurus occidental et japonais, ce dernier brillamment décrit selon ses étapes sématiques par Jean-Marie Bouissou, le concept d'espace asiatique n'est repris, semble-t-il, que par simple convention par les autres Asiatiques, sans qu'en découle le sentiment d'appartenance à une communauté qui se dénommerait asiatique. Pour les Chinois, seule l'Amérique compte nous dit Pierre Gentelle. Ceci n'empêche cependant pas que des sous-ensembles économiques et politiques, eux-mêmes à géométrie variable, aient émergé, non sans peine depuis la fin de la seconde guerre mondiale, comme l'indique Sophie Boisseau du Rocher : ASEAN, APEC ou parmi les plus récents, Groupe de Shanghai, qui lie la Chine, la Russie et les républiques d'Asie centrale évoquées par Jean Perrin. Le "retour en Asie" de l'Inde, jusqu'ici largement indifférente à son Orient constitue à sa façon une légitimation du concept. L'entrée en scène de l'Organisation mondiale du commerce renforce, pour sa part, le besoin de cohésion et de rapprochement pour mieux peser dans les discussions. Mais l'absence de leadership reste un handicap. En revanche, les recompositions transnationales, telles que rappelées par Christian Taillard, jouant de la flexibilité asiatique, permettent aux Etats de récupérer en partie les pouvoirs que la mondialisation leur enlève, tandis que l'extension et l'interconnexion progressive des réseaux (transport, énergie) commence à donner son sens à la notion d'espace eurasiatique.

Dans la seconde partie, les économies asiatiques, Philippe Delalande, économiste-conseil, montre que cinq ans après la crise financière de 1997, la croissance est globalement revenue en Asie. Est-elle durable, s'interroge-t-il ? Probablement oui, si "la Chine n'entre pas en convulsion", répond-il. Devenue un des lieux les plus courus pour l'investissement direct étranger, elle dispose, non seulement de technologies avancées, mais aussi d'un immense réservoir de main-d'œuvre qui lui devrait lui permettre de résorber les séquelles handicapantes des époques révolues. Dans sa marche vers le podium mondial, devenir la puissance régionale incontestée grâce à un développement mieux réparti sur son territoire qu'il ne l'est aujourd'hui lui semble plus important que de rompre des lances avec l'Occident ou d'entretenir les rebellions chez ses voisins. Une organisation régionale se dessine grâce à l'attraction que la Chine exerce sur les pays de l'ASEAN, eux-mêmes courtisés par le Japon. Anne Androuais nous parle précisément de ce pays longtemps à la pointe du développement, en estimant que son atonie économique récente pourrait bien prendre fin et que, grâce aux nouvelle technologies de l'information et des relations économiques extérieures le pays se trouve devant la phase ascendante d'un cycle. Revenant à la Chine, Jean-François Huchet rappelle que malgré un potentiel indiscutable, les obstacles à la croissance sont nombreux. Au passage, il invite à se méfier d'une vision trop linéaire de la croissance de ce pays d'autant qu'il serait imprudent de donner plein crédit à ses statistiques. Selon Alain Henriot les perspectives de croissance à court terme de l'ensemble de la région dépendent fortement de la prospérité américaine, bien qu'à l'avenir, la taille du marché asiatique, notamment chinois, le tout s'intégrant à la base, par les opérateurs économiques plus que par les Etats, pourrait permettre à l'Asie de se déconnecter du marché mondial et de trouver son dynamisme propre.

La troisième partie aborde courageusement avec François Raillon, directeur de recherche au CNRS, le thème du modèle asiatique (au singulier insiste-t-il, et non celui, très discuté, des valeurs asiatiques). On laissera aux lecteurs la découverte de sa définition. Il en parcourt l'évolution scandée par des événements majeurs : la crise de 1997, qui en conduisant à la dérégulation et à la démocratie de marché de l'ère clintonnienne, remet radicalement le modèle en question, sa remise en selle rampante après les actes terroristes du 11 septembre 2001 et la débâcle symbolisée par la chute d'Enron, qui respectivement redonne le prime aux "Etats forts" comme aux politiques sécuritaires et jette le discrédit sur la gouvernance à l'américaine, et deux chocs. Puis le "choc chinois". La Chine, au régime autoritaire ayant échappé à la crise devient le champion régional et augmente sa puissance d'attraction, notamment pour l'investissement, au détriment de ses voisins de l'ASEAN. Le quatrième choc, le choc asiatique, lui s'adresse comme un défi à l'Europe. Ce sera sans doute la pierre de touche de l'efficacité du modèle. Alain Wang, restreignant son analyse à la Chine, note pour sa part que les Chinois poursuivent leur quête de modernité depuis le milieu du 19e siècle et que si l'occidentalisation en est un des moteurs les plus puissants, la puissance de sinisation associé au pragmatisme, à l'expérimentation et à la recherche du consensus permet de définir un modèle capable d'exercer son tropisme sur l'ensemble de la région. Marc Menguy met également l'accent sur le consensus asiatique dont pourrait bien émerger une forme de démocratie spécifique, y compris dans les instances dirigeantes. Rémi Perelman note que l'urbanisation rapide de l'Asie ne sera pas sans incidence sur la tendance autoritariste qui fonde le modèle asiatique, en la renforçant d'abord, pour présenter aux investisseurs les garanties de continuité, puis en l'affaiblissant du fait de la montée des contre-pouvoirs qu'engendre la vie urbaine.

Nous en venons à la quatrième partie, avec la relation de l'Asie en général, de la Chine en particulier, avec les Etats-Unis, introduite par Marc Menguy, ancien ambassadeur. Dominer l'Asie et la "sécuriser" sont les deux objectifs majeurs des Etats-Unis, pour qui "la question chinoise" est la préoccupation récurrente, à laquelle les administrations présidentielles successives répondent, selon les situations, par l'ouverture (engagement) ou l'endiguement (containment). Malgré le calme apparent dans lequel les pays asiatiques ont reçu les événements du 11 septembre 2001, l'ordre des facteurs y a été largement affecté, notamment du fait d'une avancée significative des Américains et de leurs alliés japonais sur les marges chinoises. Cependant Pékin n'a pas réagi, sinon en adoptant la position anti-terroriste qui lui convenait autant qu'à Washington. Pour se développer, la Chine a en effet besoin à la fois de la stabilité intérieure et, à l'extérieur, du marché américain. Pour y parvenir, va-t-elle se normaliser et, se normalisant, se marginaliserait-elle ? Profil bas tactique ne signifiant nullement allégeance, la Chine va emprunter la voie des " différends calculés à faible coefficient de risque". Priorité au développement, c'est le fil de l'analyse de Michel Jan, pour qui la Chine a défini une stratégie à long terme à l'égard des Etats-Unis, qu'elle commence à remplacer sans bruit comme puissance économique dans son voisinage régional, comme à l'égard de la Russie, dont les ressources sibériennes en hydrocarbures lui seront vite indispensables pour alimenter sa montée en puissance. C'est cette perspective à vingt ou trente ans qu'examine Henri Eyraud, à la lumière des interférences de la démographie et de l'échelle des revenus ("un quart de nouveaux nantis, une moitié de semi-satisfaits, un quart de nouveaux pauvres") avec l'évolution de la ligne du Parti communiste chinois. Philippe Delalande évoque, quant à lui, les pays d'Asie du Sud-Est pris entre les deux pôles, l'américain et le chinois.

L'Europe et l'Asie sont traitées dans la cinquième partie selon deux approches bien différentes. L'écrivain et journaliste d'investigation japonisante Anne Garrigue décrit la d'abord lente influence de l'Asie sur la société française, influence sur la mode, l'alimentation, les arts décoratifs, l'ameublement, puis sur le comportement, la réponse à des besoins latents que les sociétés occidentales seraient moins aptes à satisfaire, ce qu'elle appelle, la recherche d'une "Asie intérieure", bien différente de l'exotisme, qui fournirait l'occasion de "trouver de nouveaux câblages". Au moment où l'Occident éprouve sa modernisation comme une impasse, l'Asie présente à notre société un ensemble de traditions et de visions du monde inhabituelles, une façon différente d'être moderne. Allons-nous vers une banalisation des modes de pensée ? Anne Garrigue ne le pense pas, car si l'ouverture d'esprit et les rapprochements que facilitent les voyages est un fait, il n'y a que peu de risques d'aboutir à des valeurs communes. Mais, par contre nous assisterons probablement à une interconnexion constante des systèmes de valeurs.

La seconde approche des relations euro-asiatiques résulte d'une analyse de documents communautaires effectuée par Rémi Perelman. L'Asie est devenue un enjeu à la mesure de l'Union plus que de chaque Etat européen. Le dialogue, amorcé au cours des années 70 s'est établi en 1994, à la suite d'un initiative allemande, sous forme d'une stratégie fondée sur le partenariat entre puissances égales. Mais avec qui, pourra-t-on demander ? D'une part, comme avec l'ALENA ou le MERCOSUR à la même époque, les liens se sont structurés avec les deux organisations régionales que sont l'Association des nations d'Asie du Sud-Est, l'ASEAN, depuis 1980, et l'Association sud-asiatique de coopération régionale, la SAARC. D'autre part, avec des entités nationales, avec l'ouverture de bureaux permanents et l'organisation de sommets annuels : Japon, Chine, Taïwan et Hong Kong - encore aujourd'hui -, Corée du Sud, Inde. Une mention particulière doit être faite au sujet - développé en annexe - des Sommets bisannuels, les ASEM, qui depuis 1996 réunissent l'Europe à 15, bientôt 25 et 10 pays d'Asie (7 membres de l'ASEAN, la Chine, la Corée et le Japon). Hormis les discussions économiques, quatre grands enjeux constituent la toile de fond de ces échanges réguliers : les droits de l'homme, l'immigration, l'environnement et la culture. La politique asiatique de l'Union européenne n'est ni récente, ni négligeable, mais elle souffre d'être méconnue, alors que dans ses buts, l'Europe s'est donnée pour but de parvenir à un niveau de relation aussi dense, complexe, fécond et porteur que celui qui, depuis les années 50, unit l'Amérique du Nord à la plupart des pays d'Asie.

Une conclusion consistante prolonge cette réflexion sous le titre "Asie, des questions pour l'Europe". Un rappel bref des caractéristiques stables du continent asiatique ("les invariants") précède un relevé des tendances dominantes à l'œuvre dans cette région. Puis viennent une série de sept questions, celles précisément qui vont se prêter à l'interrogation prospective. Par définition, ces questions, les "incertitudes majeures" alimentent des interprétations différentes - voire diamétralement opposées - et des controverses. Les principaux éléments nécessaires à la discussion sont ainsi rassemblés et "mis à plat" pour l'élaboration de scénarios contrastés (les futurs possibles, les "futuribles"), susceptibles d'être développés.

Les voici, schématisées à l'extrême.

Sept grandes questions pour la prospective :

  • 1- Une Chine stable ? La stabilité de la Chine constitue la question essentielle. Révolte ou démocratie ?
  • 2- La régionalisation en Asie. Un leadership introuvable ? L'incertitude règne sur le moteur, politique ou économique, de la régionalisation.
  • 3- Le développement en Asie. Quelles conséquences politiques ? Quelles transformations de la vie politique le développement va-t-il entraîner ?
  • 4- Etats-Unis - Chine. Le défi ? La marginalisation ? Une Chine marginalisée ? Les Etats-Unis ont-ils intérêt à ce que l'Asie s'organise ?
  • 5- Corée du Nord - Etats-Unis. Evolution ? Six acteurs, six stratégies, quelle solution ? Avec quels gains pour chacun ?
  • 6- L'Europe et la Russie. Velléités et potentialités. L'Union européenne et sa voisine eurasiatique, "zone molle" pour combien de temps ?
  • 7- Les mouvements islamistes. Dispersion ou organisation ? Les cohésions nationales menacées par l'appui les revendications sécessionnistes ?

 En définitive, ce que l'on devrait retenir de cet ouvrage pourrait se résumer ainsi : l'Asie devient un pôle de croissance régional significatif. Le développement économique quoique inégal, y est stabilisé, l'évolution démocratique, globalement maîtrisée hors Chine, Birmanie Laos et Viêt Nam. En outre, manifestation de puissance, une présence culturelle asiatique multiforme est grandissante dans le monde. Au total, une évolution positive, mais qui dépend de la stabilité politique de l'ensemble, notamment de la Chine. Combinant activités à bas coûts et technologies de pointe acquise au prix d'une dépendance accrue, elle se donne les moyens de rejoindre le monde développé, d'accroître son emprise régionale et, potentiellement, de défier les Etats-Unis, tandis que ses voisins résistent de concert pour mieux exister sur l'échiquier mondial. Deux incertitudes liées découlent de cette situation.

La première grande incertitude tient à la capacité des pays d'Asie du Nord-Est et du Sud-Est à garder leur indépendance vis-à-vis de la Chine autant qu'à l'égard des Etats-Unis.

La seconde incertitude majeure réside dans la place de l'Europe dans ce jeu géopolitique.

Un des rôles de l'Europe, nous semble-t-il est précisément d'offrir à la fois à la Chine une alternative à un niveau comparable à celui des Etats-Unis, mais de nature différente, et, pour les autres pays de la région, une relation à risque hégémonique moindre que qu'avec la Chine et les Etats-Unis. Le voudra-t-elle ? Le pourra-t-elle ?

Il revient à l'Europe, et elle seule peut le faire, d'éviter un face-à-face sino-américain paralysant devrait permettre de mieux équilibrer les échanges, de donner de la souplesse aux relations internationales et de fournir un partenariat de qualité pour accompagner le développement durable et garantir la paix dans le monde. Et, last but not least, de fournir à l'Europe des partenaires de poids pour agir sur la scène internationale.

Rémi PERELMAN


 ASIE 21, L'Asie demain, permanences et mutations, préf. H. de JOUVENEL, Paris, L'Harmattan, 2003, 236 p., in-8° (coll. Points sur l'Asie).

Collection Points sur l'Asie - Directeur de collection : Philippe Delalande.

La collection a pour objet de publier des ouvrages brefs, (200 à 250 pages), sur l’actualité politique, économique, sociale, culturelle en Asie. Ils traitent soit d’un pays d’Asie, soit d’un problème régional, soit des relations de ces pays avec le reste du monde. Ces ouvrages s’apparentent à des essais aisément accessibles, mais sur des bases documentaires précises et vérifiées. Ils s’efforcent, au delà de l’analyse de l’actualité de prolonger la réflexion sur l’avenir. La collection voudrait, autant que faire se peut, pressentir les questions émergentes en Asie. Elle est ouverte à des témoignages, des expériences vécues, des études systématiques. Les auteurs ont tous une connaissance pratique de l’Asie.

Les lecteurs visés sont des personnes soucieuses de s’informer de l’actualité asiatique : investisseurs, négociants, journalistes, étudiants, universitaires, responsables d’ONG, cadres de la fonction publique en relation avec cette Asie en rapide mutation, où vit la majeure partie de la population du monde. http://www.editions-harmattan.fr/


FRANCE-CORÉE - L.ROCHOTTE Octobre 2003


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