Spécial : Korea Train eXpress ... le TGV coréenHSR (High Speed Railway)
Après bien des vicissitudes, la Corée annonce son entrée dans l'ère de la grande vitesse ferroviaire pour la fin 2003 avec l'ouverture d'un premier tronçon de sa ligne nouvelle Séoul - Pusan.
Prévision de trafic, impact économique, avancée des travaux: (© LA VIE DU RAIL - N° 2816 du 10 octobre 2001) par Michel BARBERON http://www.laviedurail.com/
Au Pays du Matin Calme, la révolution des transports ferroviaires est en marche. La Corée du Sud construit quelque 400 km de ligne à grande vitesse destinée à relier ses deux plus importants pôles. Séoul, au nord, où vivent douze millions de personnes, vingt millions en comptant sa banlieue. Busan, au sud, deuxième ville et premier port pour les exportations avec 4 millions d'habitants.
Les Coréens devront cependant patienter jusqu'en décembre 2003 pour rouler à 300km/h sur un premier tronçon entre Séoul et Taejon. Pourtant, il y a déjà longtemps que l'on parle de cette ligne! Surtout depuis le grand match qui eut lieu fin 1991, après que la Corée ait décidé d'opter pour la grande vitesse. Trois constructeurs ferroviaires étaient alors en lice pour la fourniture du matériel roulant: l'allemand SIEMENS et son ICE, le japonais MITSUBISHI avec son SHINKANSEN et le français ALSTOM (anciennement GEC-Alsthom) qui amenait son TGV. Devant l'allèchant contrat visant à la fourniture de 46 rames, la bataille engagée fût rude. D'autant que les Coréens avaient formulé une sérieuse exigence. Ils souhaitaient des transferts de technologie leur permettant de construire 34 rames chez eux. Ce qui devait leur donner la possibilité de créer leur propre matériel à grande vitesse, avec la possibilité de se positionner plus tard comme concurrent sur la scène ferroviaire. La décision tombe le 20 août 1993, annoncé par le ministre des transports coréens: c'est le TGV qui l'emporte.
Sur le terrain, les travaux de génie civil ayant débuté depuis plusieurs mois, les responsables coréens pensaient pouvoir ouvrir leur ligne nouvelle fin 1998. Une vision sans doute trop optimiste puisque rapidement, dès 1993, ils décidèrent de repousser cette échéance à l'horizon 2000.
Ce ne sera pas le seul report. En 1998, le plan de base est revisé, le calendrier revu, et décision est prise de construire la ligne en deux phases. Entretemps, la crise financière de 1997 est passée par là, qui a affecté les pays asiatiques. À la fin de cette année là, alors que quelques mois plus tard la première des douze rames françaises destinées à la Corée avait été présentée à La Rochelle, la presse se faisait même l'écho de rumeurs annonçant l'abandon pur et simple du projet ! Mais il n'en était rien. Et de toute façon, la construction était déjà trop avancée. Les Coréens souhaitant cependant étaler les paiements, la ligne serait réalisée à un rythme plus lent. Car s'il a fallu plus de temps que prévu pour la réaliser, des investissements nettement plus élevés que ceux envisagés à l'origine furent nécessaires. De 6,86 milliards d'euros (45 milliards de francs) arrêtés lors des toutes première études, le coût frise au final les 18,3 milliards d'euros (120 milliards de francs), les 46 rames à grande vitesse comprises. Le finacement est assuré pour 45% par l'État et pour 55% par un appel de fonds de la KHRC (dont 24% d'empruns à l'étranger). Une facture très élevée pour 412 kilomètres de ligne. Mais le relief de la Corée est très tourmenté, et bien que dépassant rarement les mille mètres d'altitude, les montagnes couvrent 70% de son territoire. Conséquence: la ligne comportera 112 kilomètres de ponts et viaducs -dont plusieurs de 5 à 6 kilomètres- et pas moins de 83 tunnels, soit 189 km cumulés! Une multitude d'ouvrages complexes qui alourdissent sérieusement le coût, le seul génie civil dépassant les 12,8 milliards d'euros (84 milliards de francs).
"Pour tous les grands projets, et ceci dans tous les pays, au début la tendance est d'établir un budget un peu réduit. C'était notre cas, reconnaît JUNG Young-wan, qui travaille au sein de la KHRC. "Avec le retard, en juillet 1998 nous avons revu le budget et réactualisé le planning." Non sans malice, le directeur du matériel roulant et responsable de la gestion Core system avec Alstom, ajoute: "En France, je pense que la future ligne TGV Paris - Strasbourg est un cas un peu similaire. Et, d'après les journaux français, les perspectives concernant les utilisateurs ont été doublées...". Autre cause à ces reports successifs d'ouverture, des problèmes de génie civil décelés sur certains grand viaducs déjà construits. "L'interaction entre les longs rails soudés et la structure des ouvrages est très importante. Certaines piles de viaducs, trop flexibles, provoquaient une déformation du pont lors des phases d'accélération ou de ralentissement des rames. Pour éviter d'avoir à casser ce qui était déjà construit, nous avons préconisé l'installation d'appareils spéciaux, sortes de ressorts reliant le tablier aux piles, pour permettre de redistribuer ces efforts de freinage ou d'accélération sur plusieurs d'entre elles de façon à ce que le pont se déplace moins", explique Jean-Claude Vallery, de SYSTRA, qui a travaillé sur ce projet de 1996 à 1998. À cette époque, la KHRC s'est aussi appuyée sur les compétences de cette filiale SNCF, pour redéfinir la conception d'ouvrages dont la mise en uvre s'avérait particulièrement difficile. Les études et les plans ont été repris pour aboutir à une production quasi industrielle de travées standards préfabriquées de 25 m de portée, construites en usine et posées par le groupement SPIE et son partenaire italien Ferrocemento-Recchi. "Au départ, le coût des études en a été alourdi, mais a ensuite été largement compensé par la diminution des quantités de matériaux à mettre en uvre et par l'accélération des temps de construction"... Les remèdes ont été apportés et l'on aurait alors pu penser qu'une partie de la ligne serait opérationnelle pour la Coupe du Monde de football qui se tiendra en Corée du Sud et au Japon en 2002. Ce ne sera malheureusement pas le cas. Mais, cette fois, les dates semblent fermement arrêtées: décembre 2003 pour Taejon, avril 2004 pour l'ouverture du tronçon allant jusqu'à Taegu. 2010 enfin pour la mise en service de l'ultime et difficile partie menant jusqu'à Pusan, avec deux tunnels de 17 et 20 km à creuser.
Où en est-on aujourd'hui? L'intense activité qui règne tout au long de ce ruban de béton laisse à penser que les échéances fixées pour 2003 et 2004 seront bien tenues. À une vingtaine de kilomètres de la capitale, l'immense structure métallique qui soutiendra la toiture de la gare nouvelle, en partie souterraine, de NAM-SÉOUL, sort du sol. Plus au sud, les ouvriers entament le second uvre d'une autre gare monumentale située près de la ville de CHONAN . Ici, la superstructure ferroviaire est même achevée et des rames KTX effectuant des marches techniques sur la test-track -la voie d'essais longue de 57 kilomètres- y passent fréquemment. Venant de la base-travaux d'OSONG, les trains transportant ballast, long rails soudés et traverses monoblocs en béton, la traversent aussi pour atteindre les chantiers de pose de voie qui progressent plus au nord à la cadence moyenne de 400 mètres par jour.
Au croisement avec des routes ou des autoroutes, certaines piles de viaducs sont marquées de hautres lettres blanches sur fond bleu, ou supportent des panneaux qui annoncent le futur événement :
Il s'agit de conditionner peu à peu au High Speed Rail, ou train à grande vitesse, la population coréenne, qui a vu en décembre 1999 le président de la république, KIM Dae-jung, inaugurer un premier court tronçon de ligne réservé à des essais. Il s'agit aussi de lui montrer que le KTX est bien maintenant sur les rails, et que le long feuilleton du projet verra bientôt son épilogue.
Michel BARBERON (© La Vie Du Rail)
- Le KNR (Korean National Railroad) en chiffres:
* Nombre de cheminots: 31705, dont 3291 agents de conduite * Longueur des lignes exploitées: 3123 km * Lignes électrifiées: (25kV 60 Hz): 667 km. Projet d'électrification de l'ensemble du réseau d'ici 2020) * Nombre de gares exploitées: 598 * Écartement standard: 1,435 m (hormis une ligne de transport de riz à 0,765 m créée en 1937 pendant l'occupation japonaise) * Nombre de voyageurs transportés (1998): 827 millions * Fret transporté en 2000: 45,2 millions de tonnes (42 millions en 1999) * Trafics principaux: ciment, conteneurs, charbon, essence * Fret entre Séoul et Pusan: 11000 tonnes par jour.Le Projet KTX - L'aventure commence en 19731973 : Le KNR engage des études de faisabilité d'une ligne nouvelle entre Séoul et Busan. 1982 : Étude du projet 1989 : En mai, la décision est prise de construire la ligne; en juillet, une délégation du KNR participe à une marche d'essais à 310 km/h sur le TGV Atlantique 1990 : Le tracé de la ligne est arrêté, il passe par Chonan, Taejon,Taegu et Kyongyu 1991 : en août, l'appel d'offres, qui comprend un transfert de technologie, est lancé 1992 : En mars, création de la Korean High Speed Railway Construction Authority (KHRC), l'administration publique en charge du projet; en juin, début des travaux de la test-track, section d'essais de 57 km entre Chonan et Taejon 1993 : Le 20 août, LEE Ki-ik, ministre des transports, annonce le choix du matériel: ce sera le TGV 1994 : En juin, signature du contrat Core System (matériel roulant, signalisation, caténaires) mené par ALSTOM 1997 : La rame de présérie française PS1 construite à Aytré entame une campagne d'essais sur la ligne TGV Nord 1998 : En juillet, en raison de la crise financière en Asie, le plan initial est revisé et le calendrier revu; la mise en place du projet est divisée en deux phases (2004 et 2010) 1999 : Le président KIM Dae-jung, inaugure une section d'essais longue de 34,4 km- Quelques données:
L'axe Séoul-Pusan concentre 70% du produit national et 72% de la population.
De 6,86 milliards d'euros (45 milliards de francs) arrêtés lors des toutes première études, le coût frise au final les 18,3 milliards d'euros (120 milliards de francs), les 46 rames à grande vitesse (dont 12 fabriquées en France) comprises.
Situé au nord de Séoul, le nouvel atelier-dépôt de Koyang est opérationnel et conçu pour assurer la maintenance des 44 rames KTX actuelles. Des extensions pour l'accueil de rames supplémen- taires sont déjà à l'étude. Près de 1000 agents y travailleront fin 2003.
À une vingtaine de kilomètres de la capitale, l'immense structure métallique qui soutiendra la toiture de la gare nouvelle, en partie souterraine, de Nam-Seoul, sort du sol
Une autre gare monumentale près de Chonan en est au second uvre. La superstructure ferroviaire est achevée et des rames KTX effectuent des marches techniques sur la voie d'essais de 57 km. Venant de la base travaux d'Osong, les trains transportant ballast, longs rails soudés et traverses monoblocs en béton la traversent. Plus au nord, la voie progresse actuellement de 400 mètres par jour en moyenne.
* Longueur Séoul-Pusan : 412 km * Longueur cumulée des viaducs 112km, des tunnels 189 km, soit 46% du tracé * Vitesse commerciale 300 km/h, mais ligne prévue pour 350 km/h * Rayon minimal des courbes 7000 m * Rampes maxi 2% * Voies: longs rails soudés UIC 60 (60 kg/m) sur traverses béton monoblocs fixés par des attaches Pandrol * Communication voie 1 - voie 2 tous les 20 à 30 kilomètres * Caténaire: alimentation électrique en 2x25 kV 60 Hz, fil de contact en cuivre de 150 mm², porteur en bronze de 65 mm² * Contrôle de vitesse: système ATC (Automatic Train Control), équipement TVM 430 (type TGV Nord) * Signalisation: système permettant le contrôle des circuits et stations, équipements SSI (Solid State Interlocking) * Centre de contrôle du trafic installé dans la nouvelle gare de Nam Seoul
Séoul - Busan. Une ligne nouvelle providentielle
Ciel encombré, autoroute proche de l'asphixie, ligne ferroviaire saturée, l'axe ferroviaire Séoul - Busan, poumon économique de la Corée du Sud, attend beaucoup de la ligne nouvelle dont les effets se répercuteront à tout le pays.
Ça bouge en République de Corée. Pour s'en rendre compte, il suffit de regarder la multitude de chantiers de route et d'autoroutes en cours dans le pays. Mais aussi de voir ces très grands ensembles d'immeubles en construction regroupent plusieurs milliers de logements, sorte des "Lego Land" ou de "villes champignons", comme les surnomment certains,que ce soit dans la banlieue de Séoul ou dans des villes moyennes comme Taejon. Ce serait le pays qui consomme le plus de béton au monde: ainsi, un Coréen en "consommerait" dix fois plus qu'un Français! Dans le domaine des transports, le pays affichait deux grandes ambitions pour le début du siècle. L'une vient de se concrétiser avec l'ouverture, en mars dernier, de l'aéroport international flambant neuf d'Inchon, dont les travaux avaient commencé en 1992, en même temps que ceux de la ligne nouvelle.
Situé à une quarantaine de kilomètres à l'ouest de Séoul, et peut-être bientôt relié à la capitale par une ligne de RER, puis, plus tard, accessible aux rames KTX sur le principe de ROISSY - Charles-De-GAULLE pour les TGV, Inchon a relégué l'ancien aéroport de KIMPO aux vols intérieurs.
L'autre ambition était le KTX, le Korea Train eXpress -le X de express mettant en valeur les concepts de haute technologie et de grande vitesse (ou Han Kuk Ko Sok Chul Do en coréen). Cette immense réalisation on y songeait déjà depuis longtemps. "J'ai participé à l'élaboration du projet TGV à partir du milieu des années 1970", se souvient JUNG Young-wan, ingénieur du KNR (le chemin de fer coréen) aujourd'hui à la KHRC, l'organisme en charge de la grande vitesse.
L'axe, traversant le pays en diagonale, n'a pas été choisi par hasard. Sur le plan économique, il représente 70 % du produit national, et 72 % de la population, actuellement 45 millions de personnes, vivent à proximité. Améliorer, où mieux encore, créer un nouveau système de transport était devenu une priorité au fil des années: l'autoroute, construite vers 1970, frise tous les jours la paralysie. Cette congestion du réseau routier et autoroutier coûterait au pays un peu plus de 6 milliards d'euros (près de 40 milliards de francs) chaque année. Selon les sources provenant du ministère des Transports et de la Construction (M. O. C. T.), le nombre quotidien d'automobiles dépassent les 760 000, environ 1 652 000 personnes transportées, soit 87,4 % des déplacements entre Séoul et Busan.
Dans les trains, avec 189 000 voyageurs aller et retour sur cette relation (10 % des déplacements), l'asphyxie se profile aussi. Les familles souhaitant se déplacer à l'occasion de certaines grandes fêtes nationales doivent parfois réserver leur place un an à l'avance ! La ligne, qui supporte 500 circulations par jour, trains rapides, régionaux et fret confondus, est aujourd'hui arrivée à la limite de la saturation. Ceci malgré les forts investissements qui y ont été déjà consacrés comme pour l'augmentation de la vitesse de 120 à 150 km/h notamment par l'amélioration des courbes, ou l'introduction d'un système de signalisation pour augmenter le débit. Cet intense trafic ferroviaire ne nuit pourtant pas à la qualité de service, puisque le KNR annonce un taux de régularité des trains atteignant 99,5 %.
"Pour résoudre ce phénomène grave de saturation des transports, le gouvernement avait étudié divers moyen à l'époque. C'était soit construire de nouvelles autoroutes, soit engager un développement du H. S. R., le High Speed Rail, ou train à grande vitesse. Il a choisi cette dernière solution", poursuit JUNG Young-wan. Une décision sage. Car, outre les liaisons à 300 km/h entre Séoul et Busan, qui va entraîner la rénovation des principales gares existantes traversées par le nouveau train, c'est l'ensemble du réseau classique qui va tirer profit de la révolution KTX. Ainsi, dès avril 2004, lors de la phase d'ouverture du tronçon à grande vitesse jusqu'à Daegu, certaines rames KTX quitteront la ligne nouvelle un peu plus haut à Taejon pour se diriger jusqu'à Mokpo, presque à la pointe sud-ouest de la Corée. Décidés au début 1999 et accélérés pour être achevés dans trois ans, les travaux d'électrification sur ces 271 km d'infrastructure classique ont démarré le 31 juillet 2001. Le gain sur le temps de parcours sera significatif, et pourrait attirer 30 000 voyageurs supplémentaires, qui passeraient ainsi à 40 000 quotidiennement. De 4 h 42 depuis Séoul avec les trains les plus rapides, il ne faudra plus que 2 h 49 avec le KTX qui roulera à 180 - 200 km/h sur cette partie finale. En attendant mieux, car dans les bureaux d'études on projette déjà un autre tronçon de ligne à grande vitesse, qui partirait de Chunchon ou de Cheongju jusqu'à Iri. La décision, quant à la ville de départ, pourrait être prise au milieu de l'année prochaine, et les travaux démarrés en 2004... On pourra bientôt se rendre n'importe où dans le pays en moins de trois heures en train, se réjouit Hong Man-yong directeur général du High Speed Rail au sein du K N R, qui énumère les avantages à développer la traction électrique sur son réseau : une diminution du bruit, de la pollution de l'air, de l'usage de carburant. Il imagine déjà que les liaisons aériennes, estimée en ce moment à 50 000 personnes par jour entre Séoul et Busan, vont fortement chuter après 2010, lorsque le temps de parcours sera passé à 1 h 56 ans en rame KTX au lieu de 4 h 10 en ce moment. L'équivalent en quelque sorte de Paris - Lyon chez nous. Mais à cet horizon, les responsables KNR tablent sur un trafic annuel de 120 millions de voyageurs ! Presque six fois plus que sur la première ligne à grande vitesse française...
L'ouverture de la ligne nouvelle Séoul Busan devrait profiter aussi à l'acheminement du fret qu'aujourd'hui limité à 79 trains sur les 504 comptabilisés quotidiennement sur cet axe. La demande de transport de fret par le rail et forte, mais pour l'instant nous ne pouvons la satisfaire puisque la ligne est saturée, explique un responsable des KNR. Pour l'heure, la ligne n'absorbe que 11 000 tonnes de marchandises par jour, essentiellement des conteneurs venant ou partant de Busan, le principal port du pays.
En libérant nombre de sillons des 2004, et plus encore après 2010, la grande vitesse va permettre d'augmenter l'offre fret. Une perspective qui devrait permettre de compenser le déséquilibre le flagrant entre la route et le rail. En effet, pour une tonne acheminée actuellement par wagon, les camions en transportent neuf.
Michel BARBERON
- Un consortium de 13 entreprises françaises et coréennesLa réalisation du projet à grande vitesse KTX dépend du ministère coréen de la Construction et des Transports (MOCT) qui a créé un organisme chargé de le gèrer et de la mettre en uvre: la KHRC.Celui-ci s'est assuré la compétence de bureaux d'études ou consultants étrangers, dont plusieurs français. Ingerop et DE Consult (allemand) pour la supervision du génie civil, Systra pour le génie civil et la voie, SNCF International pour les tests et le commissioning du matériel roulant, la société américaine Bechtel comme conseiller.
Un consortium nommé KTGVC (Korea TGV Consortium) dirigé par EUKORAIL une filiale d'ALSTOM en Corée, a été établi pour les études, la fabrication, la réalisation et la mise en place du Core System. Ce contrat, de 914 millions d'euros (6 MdF), comprend le matériel roulant (les 46 rames), les systèmes caténaire et signalisation, la maintenance et la formation, le transfert de technologie, le management de projet, et l'intégration des systèmes. EUKORAIL dirige et coordonne les activités du consortium, qui est composé de 13 entreprises coréennes et françaises. En particulier EUKORAIL organise les activités liées au transfert de technologie, à la supervision de l'installation, aux essais et mises en service, aux achats d'équipements en Corée.
* Management de projet, transfert de technologies, et services associés: ALSTOM-Holdings (ex-Alstom France SA) * Matériel roulant: Alstom Transport SA, et Koros (détenue à 40% par Daewoo et Hyundaï à 80% par moitié, par Hanjin à 20%; en septembre, Hyundaï a racheté les parts de Daewoo) * Signalisation (contrôle automatique): CSEE Transport, Goldstar * Caténaire: ALSTOM (ex-Cegelec), LG Câble, Iljin * Signalisation et contrôle automatique des trains: LG Industrial Systems, Samsung- Une "Route de la Soie ferroviaire"
Près de la gare de Séoul, un panneau matérialise le rêve de beaucoup de Coréens du Sud: relier leur pays à l'Europe par le train...
Au Pays du Matin Calme, beaucoup rêvent de cette "Route de la Soie ferroviaire". Pour preuve cet immense panneau, tout près de la gare de Séoul où, sur fond de carte géographique barrée d'une longue ligne, surgit un train à grande vitesse stylisé...
Car malgré son lien physique avec la Chine, la Corée du Sud est aujourd'hui une île. Depuis 1953 et la fin de la guerre opposant les deux républiques du nord et du sud, la péninsule est en effet littérale- ment coupée en deux par une zone démilitarisée (DMZ) qui court de la Mer Jaune à la Mer de l'Est. Conséquence, depuis un demi-siècle le sud est enclavé et voudrait bien sortir de cette situation.
D'importants efforts de réconciliation sont en cours.
"C'est une grande ambition. Il faudra beaucoup d'argent, et de temps. Mais c'est le rêve des Coréens. Pour la Corée du Nord, c'est peut-être aussi une opportunité de développement, mais elle reste très prudente devant cette ouverture" reconnaît HAN Hyun-kyu, directeur général au ministère de la Construction et des Transports.
Même constat pour HONG Man-yong, directeur général de la grande vitesse au KNR: "Pour la Corée du Nord, cela peut être un avantage, mais l'échéance dépend d'elle".
Au sud, en tout cas, on veut y croire et des travaux préparatoires engagés en septembre 2000 sont même achevés. Au delà de Musan, non loin de Séoul, des ponts ont été rénovés et les voies réinstallées sur environ 6 km en direction du nord. Mais cette ligne ne débouche nulle part pour l'instant puisque, de l'autre côté de la DMZ, l'autre Corée n'aurait encore rien fait pour réhabiliter son tronçon de ligne...
Si envisager un transport de voyageurs à grande vitesse entre Séoul et Paris paraît futuriste, la Corée peut raisonnablement espèrer sortir rapidement de son isolement ferroviaire pour le fret grâce à l'intérêt que porte les Russes à ce projet (voir presse).
D'après MB 10/10/2001
- Marc CHATELARD, directeur du projet pour Alstom: "Le planning d'aujourd'hui est réaliste"Directeur du projet pour le compte du groupe Alstom, président du consortium KTGVC (Korea T. G. V. consortium), directeur général d'Eukorail, société filiale d'Alstom dans ce pays, Marc Chatelard est l'homme des mises en service. Responsable de celle des centrales nucléaires au sein de Framatome -mission qui le conduit à passer deux années en Corée-du-Sud, déjà !-, il prend en 1990 la direction de la mise en service du tunnel sous la Manche. Son premier contact avec le monde ferroviaire. Après un bref intermède, en 1996, comme directeur du groupement Spie Batignolles - Bombardier pour le TVR de Caen, il entre chez Alstom et devient directeur de l'offre Taïwan et responsable du consortium Eurotrain monté avec Siemens . Cette offre éliminée au profit du matériel japonais l'an dernier, il reprend le dossier T.G.V. Corée. « Une aventure enthousiasmante. Les Coréens apprennent vite et bien. Le planning d'aujourd'hui est réaliste, les acteurs sont en place. La voie d'essais qui permet de débeuguer le système marche bien. Cela veut dire que le reste va fonctionner. » Le grand rêve de Marc Chatelard ? Voir la Corée-du-Sud, isolése depuis 1950, reliée à l'Europe par le train via « la Route de la soie Ferroviaire ».
- La SNCF sur le terrain depuis près de 20 ans:
Par l'intermédiaire de Sofrerail, sa filiale internationale de l'époque, la SNCF suit le projet grande vitesse coréen depuis une vingtaine d'années. À la fin des années 80,une cellule de pionniers issus des chemins de fer coréens (KNR) constituait l'embryon de la KHRC, l'organisme chargé de mettre en oeuvre le projet ; les premiers tracés de ligne nouvelle s'esquissaient ; la grande compétition industrielle allait bientôt s'engager. Pendant ce temps, jouant les représentants, des techniciens Sofrerail faisaient connaître aux KNR les mérites du système TGV. La suite, on la connaît.
"Mais la mission de ceux qui allaient prendre plus tard la casquette de SNCF International ne s'est pas arrêtée à ce moment-là. Elle se poursuit même plus que jamais : Nous avons deux clients. Tout d'abord, le maître d'ouvrage K. H. R. C., dont la responsabilité finale sera de réceptionner les systèmes complets et de le remettre aux futurs opérateurs exploitants. Il souhaitait l'assistance d'un conseiller qui soit neutre vis-à-vis du fournisseur Alstom », insiste Gabriel Courbey, vice-président de SNCF International, chargé de ce dossier. Cinq experts dépêchés sur place supervisent donc les essais, en sortie d'usines et sur la test-track, des douze rames construites en France et des 34 suivantes conçues en Corée. « Notre rôle vise à garantir les bonnes performances de chacune d'entre elles, de vérifier qu'elles soient confortables, si leurs caractéristiques correspondent bien au cahier des charges... »
Le second client est l'exploitant du réseau classique. Dans le cadre de l'électrification et des améliorations à apporter à la voie, à la signalisation, aux télécommunications sur la ligne Taegu Busan qui sera parcourue par les rames KTX dès 2004, cinq autres ingénieurs français de SNCF International assistent actuellement les KNR via le KRRI, leur organisme de recherche ferroviaire.
Si ces deux missions sont en cours, une autre devrait suivre : l'assistance pour la mise en service de 2004. Pour ce « full system commissionning », la KHRC pourrait en effet se rapprocher des techniciens qui ont acquis une grande expérience lors de l'ouverture de plusieurs lignes T. G. V. françaises. « À moyen terme, il conviendra sans doute d'assister le KNR dans la préparation à l'exploitation future, totale ou partielle, du système" conclut Gabriel Courbey qui imagine aussi que, à plus long terme, SNCF International se proposera pour la maintenance et l'exploitation de cette première relation à grande vitesse...
M.R.