"Le nouveau matin des Coréens"

"Un article un peu provoquant sur la culture coreenne est paru ce janvier 2005 dans la "Revue Générale de Belgique" (www.revuegenerale.be). Il est signé parSimon-Pierre Nothomb qui est un des plus jeunes, sinon le plus jeune, vétérans de la guerre de Corée ou il a été blessé début 1953.

Avant de terminer sa carrière comme Secrétaire Général du Comité Économique et Social européen, il avait été Directeur Général de la Culture de la francophonie, a Paris, dans les années 80.

Parmi d'autres fonctions actives, Simon-Pierre Nothomb préside la fondation privée "Europa Korea" (www.korea.be) dont le but est de promouvoir et de dynamiser les relations entre les pays de l'Union européenne et la péninsulecoréenne."

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Le nouveau matin des Coréens
Article écrit par Simon-Pierre Nothomb publié dans "La Revue Générale", janvier 2005

 

«Regardez bien leurs visages», dit le Roi à son médecin. «Et inspirez-vous de leurs mimiques quand le musicien qui vous accompagne va recenser chez mes sujets tous les tons et tous les sons de notre langue, dans toutes les provinces de mon royaume.

Les mouvements de leur langue, de leurs lèvres et de leurs dents vous permettront de dessiner ensemble des lettres nouvelles que tous les Coréens pourront apprendre en quelques heures et qui leur permettront d’écrire précisément leurs pensées et de lire celles des autres comme ils l’entendent eux-mêmes.»

Ce roi est Sejong le Grand et son «alphabet» s’appelle han’gul. Il fut créé dans le calme d’un beau matin coréen, en 1443. Création originale s’il en est, spontanée au niveau de la planète. La Corée d’alors était mal informée du monde extérieur qui le lui rendait bien. L’Europe, celle de Gutenberg, de Louvain, de Byzance, ignorait jusqu’à l’existence de ce diverticule extrême-oriental de l’Eurasie qui s’appelait alors «Choson», du nom d’une dynastie qui régnait encore quand la Belgique reconnut diplomatiquement la Corée en 1898.

Cette histoire merveilleuse est peut-être une légende. Mais elle est aussi une réalité providentielle et actuelle. La culture coréenne, et donc la Corée en tant que nation ont sans doute été sauvées ainsi d’une dilution dans l’immense culture chinoise déjà très mélangée. La simplicité presque ludique du «han’gul» a aussi donné aux Coréens l’accès démocratique à tous les savoirs du temps, réservés jusqu’alors aux rares lettrés en chinois, classe savante, dominante, privilégiée, à l’abri des quelques 80000 idéogrammes de l’Empire du Milieu.

Aujourd’hui, les 10 voyelles et les 14 consonnes de l’alphabet coréen peuvent figurer en duo sur les claviers informatiques occidentaux ce qui n’est pas évident pour les transcriptions chinoises et japonaises. Et la Corée est alphabétisée à près de 100%, beaucoup plus que ses grands voisins.

Décidément, pas comme les autres

Si on parle du «han’gul», il faut mentionner aussi le «han’bok». Il ne s’agit plus de transcription mais bien d’habillement. Parce que les Coréens ont depuis toujours une façon de se vêtir qui leur est propre, au propre et au figuré si on ose ce jeu de mots.

Autrement dit, tous les jours à la campagne, surtout pour les vieux, dans les rites et les cérémonies à la ville, et cela depuis la nuit des temps jusqu’à ce jour, le «han’bok » des messieurs est plutôt blanc avec des garnitures sombres comme il sied à leur dignité ; pour les femmes, sa taille très haute et ses tons joyeux font tourner les têtes dans la rue et dans les réceptions internationales.

Il y a une autre exclusivité à usage quotidien : la nourriture qui privilégie les légumes et les fruits. Dans les avions de ligne, on en sert avec bonheur quelques plats qui se marient très bien avec les petits et les grand crus de l’Hexagone. Les fromages français s’accompagnent aussi avec bonheur du «Kimchi», mets emblématique de la Corée dont la base est le chou fermenté. Il se conserve tout l’hiver et s’inspire aussi des souvenirs nomades venus des confins de l’Europe. C’est comme la langue coréenne. Ouralo-Altaïque elle cousine presque autant avec le hongrois et le finlandais qu’avec le japonais, le chinois étant surtout son grenier à vocabulaire.

Tous ces éléments bien pratiques ont aussi une dimension spirituelle : le chamanisme emporté jadis de Sibérie dans les bagages de la migration et qui imprègne encore la société coréenne d’aujourd’hui.

La culture coréenne dispose donc, ce qui est rarissime, de plusieurs outils majeurs et exclusifs : une langue et un alphabet personnels, des références vestimentaires et culinaires résistantes à la mondialisation. Cela illustre et explique peut-être trois tentations persistantes et paradoxales qui semblent habiter les Coréens depuis quatre ou cinq mille ans.

Le penchant de l’ermite qui s’entend bien avec lui-même et sait alimenter son propre dialogue dans le confort d’une fière solitude, le «vivons cachés pour être heureux» que pratique encore aujourd’hui la Corée du Nord, sans que le bonheur, il est vrai, ne soit au rendez-vous. Le goût du défi d’un David entre deux Goliath, la Chine ou le Japon, qui, selon les circonstances, l’annexent ou l’abandonnent mais n’ont jamais réussi à l’effacer de la carte. On dit là-bas que la Corée, telle une langouste, échappera toujours, grâce à l’astuce de ses antennes et la mobilité de ses pattes, aux appétits des deux baleines qui fréquentent le même coin du Pacifique.

Le besoin libertaire du non alignement est aussi sans doute l’héritage du lointain passé nomade. Il conduit au culte de la différence positive et à la recherche de l’excellence pour conforter l’affirmation de soi et mieux se situer dans le monde.

Quand on a subi, entre autres avanies, des siècles de misère, les pesanteurs de la société confucéenne, 35 années d’esclavage japonais jusqu’en 1945, qui visait et brisait l’esprit, les reins et les coeurs, et aussitôt après, une guerre fratricide et meurtrière, survivre encore est un miracle, pouvoir se repenser est une chance, et déduire de tous ces malheurs une personnalité renouvelée et taillée sur mesure pour les besoins du temps, est un exploit très opportun.

C’est en quelque sorte à ce second matin de la Corée que le monde, un peu ébahi, est invité à assister maintenant.

La guerre et les affaires parlent la même langue

Pour passer de la guerre à la paix, il faut fondre les canons et forger des charrues, disent les grands discours.

Les Coréens n’en ont pas eu le temps. A peine libérés du joug japonais, ils ont dû quitter leur charrue pour devenir littéralement la chair à canon d’une guerre civile pour eux, stratégique et idéologique pour le reste du monde et notamment pour les Belges qui y ont laissé 117 morts.

A Yalta en février 1945, pour décider les Russes à attaquer, enfin, le Japon, on leur avait promis des menus cadeaux territoriaux : quelque îles au Nord du Japon, et un tronçon de Corée limité par le 38ème parallèle. Cette limite abstraite des zones d’influence russo-américaines ainsi décidée, est devenue après trois ans de guerre, une frontière bétonnée, minée, et barbelée, entre deux pays qui partagent pourtant 5000 ans d’histoire et de culture communes.

De part et d’autre, sans désarmer, la vie a repris son cours, à l’abri d’un armistice précaire. Les Coréens ont épousé pour le meilleur et pour le pire les idées et les méthodes de leurs protecteurs, en disciples modèles de l’Occident et de l’Orient.

Les généraux gardant le pouvoir, les civils sont restés embrigadés. Les uns, au nord, par un parti unique à la discipline totalitaire, les autres au sud par un effort très encadré de renaissance économique. Aux glissades vers un stalinisme démentiel ont répondu souvent les tentations sauvages d’un capitalisme outrancier.

Dans cette émulation c’est le plus démocrate des deux qui a gagné. Les Coréens du nord qui vivent en ermites comme leurs ancêtres sont peut-être fiers de leur bombe atomique, mais elle ne nourrit ni leur estomac, ni leur liberté. Les progrès du sud ont sans doute demandé beaucoup de sacrifices, mais, in fine, ils donnent aux citoyens des choix de vie et l’espace du monde pour les épanouir. Et surtout la liberté de penser.

Aujourd’hui, au Sud, les généraux ont cédé la place aux civils. On se parle par dessus le 38ème parallèle, même si le dialogue est un peu contraint. Malgré les menaces qui planent encore quelques cousins ont pu se revoir, des touristes traversent parfois la frontière où la Culture, la Tradition et le Sport procurent de bons visas entre frères séparés.

Courageux comme soldats quand il s’agit de défendre leur pays, astucieux et travailleurs quand il faut le reconstruire, doués pour l’industrie et les affaires comme leurs ancêtres l’étaient pour la culture intensive des rares terres nourricières, les Coréens s’aperçoivent avec étonnement qu’ils disposent d’un autre talent, d’une richesse plus exceptionnelle peut-être que les autres: un patrimoine culturel florissant, effervescent, polydisciplinaire et dont les racines s’étendent loin dans le temps et profond dans les espaces du soleil couchant. Contrairement aux territoires et aux parts de marché qui se conquièrent et qu’il faut donc prendre à quelqu’un, la culture se bonifie et s’accroît dans la mesure où on la partage. C’est un nouveau langage pour un nouveau départ.

Entre le levant et l’occident

La péninsule coréenne occupe une position axiale en Extrême-Orient. Accrochée à l’Asie là où la Chine et la Russie se touchent, la Corée s’étend, du nord au sud, jusqu'à l’archipel japonais, sur près de 1000 km où les montagnes rugueuses ne laissent au mieux qu’un quart de l’espace à la culture et l’habitat.

Cette localisation donne le premier éclairage d’une histoire culturelle particulière et surprenante.

Une population autonome venue d’Asie centrale s’y réfugia dans la préhistoire, avec ses moeurs et sa langue propre, sans doute pour fuir le froid. Non seulement la culture chinoise a été bien accueillie dans le terreau mental de ces nomades sédentarisés mais elle s’y est enrichie, affinée, et est même réexportée avec toujours une valeur ajoutée importante. Vers le Japon surtout, mais aussi vers la Chine ellemême.

Ce rôle local de conditionnement et de transmission des valeurs et des produits culturels subsiste aujourd’hui, mais avec une reconnaissance accrue de l’apport purement coréen. Ce développement propre devient exponentiel dans les expressions artistiques modernes comme le cinéma, le dessin animé, la photographie, etc…

A ce boulevard culturel Nord-Sud a répondu historiquement dans le sens Sud-Nord, un chemin stratégique, ou plutôt une voie impériale mettant à la portée des Japonais les ressources d’espace, de matières premières et de main-d’oeuvre illimitées du continent asiatique en général et de la Mandchourie en particulier. Mais le Japon, lui, n’a pas nourri la Corée de richesses intellectuelles nouvelles. Bien au contraire il a copié, pillé et tenté d’étouffer le patrimoine culturel coréen en l’annexant.

L’occupation japonaise de 1910 à 1945 s’est évertuée à marginaliser tout souvenir de culture coréenne en instituant un enseignement uniquement japonais et en récrivant l’histoire avec un nippocentrisme totalitaire.

L’identité coréenne a survécu à ces va-et-vient rarement paisibles. Mieux, elle est restée originale et créative, malgré l’innombrable puissance chinoise et les dévorantes ambitions du Japon Meiji.

Entre-temps, il y a eu un changement diamétral de mentalité. La Corée n’est plus le «Royaume Ermite» s’efforçant d’échapper à l’étouffement par la discrétion.

En un demi-siècle, bien que ravagée et coupée en deux par trois ans de guerre et peut-être grâce à elle, la Corée est devenue un pays émergent, industrialisé, démocratique, désireux de se réapproprier son identité et capable d’en assumer la plénitude.

Y a-t-il une culture coréenne ?

Même dans un pays aussi homogène que la Corée, l’identité culturelle est difficile à cerner pour un occidental dont la vue est encore obscurcie par des souvenirs de guerre et dont le quotidien résonne des fanfares publicitaires en faveur de produits élaborés de Hyundai ou de Samsung.

Y a-t-il vraiment une culture qui en vaut la peine, derrière ces tintamarres, et si oui, comment l’aborder, s’en pénétrer?

Deux ouvrages ont accompagné, il y a près de dix ans, des expositions à Anvers et à Mariémont, qui ouvrent bien l’esprit aux richesses du patrimoine culturel coréen.

Bie Van Gucht, dans l’antique léproserie de Rumst qui est devenue son atelier, est à la fois artiste, historienne, chercheuse et créatrice dans le domaine de la céramique.

Consultante de gouvernements et de musées, en Extrême-Orient et en Europe, elle a signé, sous l’intitulé «Nature et Religion», un ouvrage qui est en fait une histoire complète de la Corée, des origines à nos jours, perçue à travers l’évolution de la céramique en Extrème-Orient.

«L’art coréen peut trahir une incontestable influence chinoise, il n’en est pas moins, à son tour, à la base de la culture japonaise. Il est clair également que dans le domaine céramique, la Corée a développé rapidement une sensibilité et un style propre, et qu’elle s’est montrée ingénieuse et surtout soucieuse d’améliorations techniques.»

On pourrait dire la même chose de la plupart des autres domaines de la culture coréenne: inspiration propre et extérieure, artistes exceptionnels, talents originaux, raffinements techniques.

Dans un ouvrage collectif antérieur, «Korea, natuur en religie», Jan Van Alphen, Indologue, professeur à l’Université de Gand et directeur du département d’Extrême-Orient du musée ethnographique d’Anvers, avait développé une approche similaire.

«La nature en Corée est exubérante et sauvage mais a toujours été aimable avec ses habitants (…) C’est un art que de s’en servir tout en la respectant. La recherche d’une symbiose avec la nature semble innée chez les Coréens. Et elle se manifeste en premier lieu sur le plan spirituel et ensuite sur le plan matériel. Pour comprendre cela il faut remonter aux origines altaïques de ce peuple qui était imprégné de Chamanisme et l’est toujours dans sa réalité d’aujourd’hui.»

La nature : religion maternelle

Le Chamanisme date, en Corée, des temps préhistoriques. Il s’est nourri, au cours des siècles et des migrations, d’autres inspirations indiennes et chinoises, notamment. On le trouve d’ailleurs sur tous les continents, depuis leur découverte et encore vivace aujourd’hui. C’est une philosophie qui considère que toutes les formes de vie qu’elle soit humaine, animale ou végétale, sont équivalentes en valeur sinon en qualité. Tous les phénomènes, visibles ou non, incluant les rochers, la pluie, les étoiles et mêmes les objets faits par les hommes, comme les outils et les maisons, y ont une âme et parfois plusieurs, chez les humains. L’univers est divisé en un monde d’en haut, un monde du milieu et un monde d’en bas chacun ayant ses bons et mauvais esprits dont les chamans sont les intermédiaires, moins prêtres que techniciens du sacré. Toujours selon le professeur Peter Furst de l’Université de Californie (UCLA), le Chamanisme n’est pas vraiment une religion, mais il sert de fondation, de près ou de loin, à toutes les religions du monde.

Le Chamanisme a sous-tendu la vie religieuse coréenne même aux époques du bouddhisme d’Etat, du confucianisme strict du IVième siècle, du christianisme du XVIIème avec lesquels il continue à coexister aujourd’hui. Il aurait même tendance à surnager mieux que les autres religions à la vague de matérialisme qui submerge actuellement la Corée du Sud. En Corée du Nord, il est le seul rite toléré.

C’est qu’il a des applications civiles et militaires. Les chamans ont toujours été consultés sur le moment propice pour attaquer les ennemis ou conquérir un territoire.

Chaque jour aujourd’hui, dans les villes et les campagnes de Corée, leurs ateliers, bureaux et exploitations diverses, les chamans viennent détecter les bons et mauvais esprits et organisent des cérémonies rituelles pour se concilier leurs faveurs.

Cette influence ancienne, multiple, persistante et ubiquitaire a inspiré, mobilisé, utilisé toutes les formes de l’art et de l’artisanat et continue à le faire librement, de la céramique au cinéma, de la peinture sur soie aux chansons populaires, de la musique de cour à la calligraphie sans oublier tous les arts du spectacle. Car le Chamanisme n’a d’autre autorité que celle de la nature, ne lance pas de fatwas, n’impose aucun dogme. Comme les tisanes de la médecine des simples, il ne peut, semble-t-il, que faire du bien.

L’exemple du Samulnori

C’est le Bruxellois Jacque-Yves Le Docte qui l’a illustré lors du festival d’automne de Paris. Lorsqu’il travaillait aux Beaux-Arts de Bruxelles, ce musicologue aventureux a découvert les originalités de la musique coréenne et, entre autres trouvailles insolites, le Samulnori. C’est un jeu de deux tambours et de deux gongs qui soutiennent depuis toujours, dans les campagnes, la prière pour le bonheur, la réussite et l’abondance, au pied d’une table d’offrande où fruits, biscuits et riz entourent la tête d’un cochon, symbole de la prospérité. Aux quatre instruments correspondent les quatre éléments bien chamaniques du tonnerre, du vent, de la pluie et des nuages.

En 1978, un groupe de musiciens de Séoul issu d’une génération urbaine malmenée par des années d’industrialisation forcenée et la main lourde des généraux au pouvoir, a cherché à remarier la culture au progrès. Ils ont collecté et travaillé les rythmes des campagnes, et amené cette énergie fraîche sur les tréteaux des villes.

Ce fut un succès ravageur. Dans les campus, les étudiants s’en saisirent pour souder leur solidarité et donner de la force à leurs contestations. Le Centre National des Arts Traditionnels créa sa propre troupe et des dizaines de groupes professionnels suivirent le mouvement. Comme les quatre saltimbanques nomades qui parcouraient les villages de jadis, les jeunes musiciens d’aujourd’hui insufflent les quatre énergies fondamentales - physique, émotionnelle, mentale et spirituelle - aux victimes stressées de l’économie de marché.

Prophètes dans leur région

Acharnés, flexibles, fonceurs, gagneurs en affaires, les Coréens sont fiers de l’image dynamique que leur renvoient, ces temps-ci, les miroirs du monde industriel. En matière de culture, par contre, ils semblent un peu étonnés du succès soudain de leurs produits culturels exportables dont l’éventail s’étend des travaux du philosophe Kim Sang-Kwan que saluait Derrida, aux feuilletons de télévision qui rendent frénétiques les audiences japonaises. Leurs films sont couronnés à Cannes et il y en a toujours deux ou trois sur les écrans des capitales européennes. Mieux encore: les films coréens atteignent une part d’audience nationale avec 50% des entrées, alors que la France, porte-drapeau de l’exception culturelle parvient difficilement à préserver ses 30% d’audience et que les autres pays développés plafonnent au mieux à 10% contre les offensives musclées des produits d’Hollywood. Dans toute l’Asie et évidemment d’abord chez les voisins de la façade du Pacifique, la vague coréenne entraîne chez les jeunes une vogue incroyable de nouveaux produits à la fois frais et inventifs mais où se goûtent les saveurs d’un passé bien présent.

Et ce n’est pas tout. La cuisine coréenne est délicieuse, ne fait pas grossir et le Kimchi comme le Ginseng y sont des gages de bonne santé. Le «han’bok» retouché à Paris sied aux tailles graciles. Les musiques Rai, pop, hip hop et même le hard rock, ont pris, en passant par Séoul, des cadences et des sonorités chamaniques familières aux ambiances de la région. C’est dire combien la culture coréenne non seulement existe et persiste, mais qu’aujourd’hui elle pousse à l’ouverture les cultures voisines qui réussissent moins bien qu’elle à sortir de leur dogmatisme.

Cela ne veut pas dire que le passé classique soit voué à l’oubli. Mettons qu’en Corée il semble moins désuet qu’ailleurs parce qu’on y tient d’autant plus qu’on a bien failli le perdre corps et biens. L’occupation Japonaise n’a pas vidé seulement les musées et les sites archéologiques, elle a aussi voulu, et presque réussi à laver les cerveaux.

Tout écolier coréen en 1940 a dû adopter un nom japonais, renier les 4273 ans d’histoire et de traditions de son pays, ses royaumes et leurs souverains éclairés, et même abandonner l’alphabet de Sejung qui ne servait plus à rien puisque la seule langue, désormais, devait être le japonais. Sauvée de justesse d’un oubli aussiirrémédiable, la Culture coréenne ancienne est, dans la Corée d’aujourd’hui, toute fraîche dans les esprits, les musées nouveaux, les salles de spectacle ultra modernes, les temples rebâtis, les jardins replantés à l’identique. Cette ferveur pourrait paraître puérile si cet effort n’était pas déployé à portée de canon d’une ligne de démarcation qui attend encore son Traité de Paix. Pour gagner cette paix, l’art du Céladon, les chasseurs rupestres du royaume de Goguryeo, les bouddhas du Mont Namsan, les cloches géantes de l’époque Silla, les danses rituelles des moines, extatiques des chamanes, paysannes des cigognes, endiablées des masques ou des tambours, la broderie et la tapisserie antiques et modernes, et toutes les autres oeuvres d’art et d’artisanat anciennes et contemporaines sont des armes autrement séduisantes et sûrement plus efficaces que celles utilisées jusqu’à présent.

Simon-Pierre Nothomb

P.S. On peut déjà un peu juger des qualités de la culture coréenne au Musée Royal de Mariemont à Morlanwez où Catherine Noppe, directeur et conservatrice pour l’Extrême-Orient a rassemblé un choix subtil d’objets d’art et d’artisanat coréens avec l’aide notamment de la grande spécialiste Bie Van Gucht. Le Musée ethnographique d’Anvers installera une section similaire en 2008 sous la direction du professeur Jan Van Alphen qui, dès 2006, y organisera une exposition sur le Chamanisme dont il est un des spécialistes mondiaux. La littérature coréenne sera l’invitée d’honneur de la Foire du Livre de Francfort en 2005. Pour les plus pressés, le musée Guimet à Paris et le British Museum à Londres sont à quelques quarts d’heure de train et méritent le déplacement. Enfin, il n’est pas impossible que Europalia consacre son festival de 2009 à la Corée. Ce n’est encore qu’une rumeur. Mais il est opportun à Séoul et à Bruxelles d’y penser.

 

S.-P. Nothomb (President)
T. Verraes (Gen.Secretary - Chief Editor)
S.-Y. Lee (Vice-President)
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