APERÇU HISTORIQUE de la PARTICIPATION FRANÇAISE aux COMBATS TERRESTRES
- Par Gérard JOURNET, Président Délègation Est de l' A.N.A.F.F. ONU-R.C.
- Membre du Conseil National et du Comité Directeur
- (Extraits d'allocution du 6 Mai 1993 à COLMAR, à l'occasion du 40ème anniversaire de la fin des hostilités en Corée)
La guerre froide est à son paroxysme quand le 25 Juin 1950 les troupes de la Corée du Nord envahissent la Corée du Sud en franchissant le 38ème parallèle.
Le 22 Juillet 1950 , au titre des Nations Unies, la FRANCE décide de l'envoi de l'escorteur "LA GRANDIÈRE" F731.
Le 25 Août, la création d'un bataillon formé de volontaires venus de la métropole et de l'Union Française, de toutes les armes et services, active et réserve, est décidée. Il sera constamment entretenu par des renforts qui ont comblé ses lourdes pertes. Il portera le nom de "BATAILLON FRANÇAIS de l' O.N.U." Son rôle sera d'affirmer la présence Française aux côtés des vingt et une autres Nations engagées pour résister à la violation des principes de liberté par la Corée du Nord.
La mission du Bataillon Français s'est effectuée sur le front de Novembre 1950, jusqu'à l'armistice de Juillet 1953, d'abord sous le commandement du Lieutenant Colonel MONCLAR (Note: le Génèral de Corps d'Armée Ralph MONCLAR avait abandonné ses "quatre étoiles" pour revendiquer l'honneur de conduire le Bataillon, qui, d'ailleurs, fût baptisé de son nom par les premiers Vétèrans en témoignage d'une dévotion intense), ensuite sous le commandement du Lt. Colonel LE MIRE commandant le premier bataillon, puis des Lt. Colonels BOREIL et DE GERMINY.
Le 29 Novembre, le Bataillon débarque à FUSAN. Affecté pendant toute la campagne au 23ème Régiment d'Infanterie de la 2ème Division U.S. (Second Division, "Indian Head", dont la fière devise est : "Second to none"...), 23rd RIUS, afin de freiner l'avance de l'armée chinoise, le BF/ONU (Bataillon Français de l'ONU), mal équipé contre le froid et devant affronter des températures allant jusqu'à moins quarante degrés, fût engagé dès Janvier 1951 dans une guerre de mouvements dans un pays au relief très accidenté. Composé de volontaires aguerris, le BF était toujours engagé aux avants postes préfèrentiellement aux autres composantes du régiment. Une compagnie de soldats Sud-Coréens (KATUSA s) lui fût affectée pour complèter ses effectifs.
Ses principaux combats:
En Fèvrier, encerclé à TWIN TUNNEL et à CHIPYONG NI, en plein territoire ennemi, le 23ème se dégage et tient tête, seul, à la 125ème Division Chinoise tout entière. En Mars, il est à l'assaut de la cote 1037. Il intervient au mois de Mai à PUTCHAETUL afin d'enrayer l'offensive chinoise de printemps. À partir de Juin 1951, suite à l'ouverture des pourpalers de KAESON, la guerre de mouvement fit place à une guerre de stabilisation progressive pour s'installer sur une guerre de positions.
De Septembre à Octobre 1951, pour le BF/ONU les opèrations culminent en violence, en particulier dans l'enlèvement de la cote 931. Ce combat excessivement meurtrier restera dans l'histoire sous l'appellation de "CRÈVE CUR" (HEARTBREAK RIDGE). Puis, le Bataillon a continué de prendre part à toutes les actions menées par la Second Division US, du TRIANGLE DE FER au secteur de CHUNGASAN et a, entre autres faits d'armes, brisé au FER DE LANCE en Octobre 1951 à la cote 281, une attaque chinoise désespèrée appuyée par une formidable artillerie. Vingt cinq mille impacts ont été dénombrés en 24 heures sur les seules positions du bataillon.
Les pertes du Bataillon durant la campagne de Corée ont été très élevées:In Memoriam
- Effectif initial : 1.017
- Tués: 287 (dont 18 Coréens)
- Blessés: 1.350
- Disparus: 7
- Prisonniers: 12
Distinctions:
- Par la FRANCE: 4 citations à l'ordre de l'Armée
- Par les U.S.A. : 3 citations Présidentielles
- Par la R.O.K. : 2 citations Présidentielles
- À titre individuel, ont été décernés:
- Dans l'ordre de la Légion d'Honneur: 1 titre de Commandeur
- 7 titres d'Officier
- 20 titres de Chevalier
- Dans l'ordre de la Médaille Militaire: 193 attributions
- Citations au titre des T.O.E. : 2.898 citations
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Indochine
Début Novembre 1953: Le BF/ONU débarque en INDOCHINE pour former le "RÉGIMENT DE CORÉE" où il sera dédoublé pour servir d'ossature à ce qui devient le GROUPEMENT MOBILE N° 100 (GM 100) qui s'illustrera jusqu'à sa dissolution le 1er Septembre 1954 après une conduite exemplaire et des sacrifices incommensurables dans des combats désespèrés. Reconstitué après des pertes épouvantables, le Régiment reprend le titre de BATAILLON DE CORÉE et embarque le 17 Juillet 1955 à SAÏGON à destination de l'Algèrie.
Algèrie
Le 10 Août 1955 le Bataillon débarque à ALGER. Il participera activement aux opérations de maintien de l'ordre. Devenu par changement de structure "156ème R.I. - Régiment de Corée" il fera mouvement vers la Métropole fin 1962 au camp de Sisonne où il sera définitivement dissous.
La fin du BATAILLON de CORÉE en 1962 fût aussi soudaine que sa création 12 années plus tôt pour une participation Française à la défense de la Liberté des Peuples à l'appel de l'O.N.U. dans le concert de 23 Nations Libres et Démocratiques.
Mais son SOUVENIR, la MÉMOIRE et le SACRIFICE de ses valeureux Combattants, se perpètuent à travers son Association de Vétèrans.
Plusieurs Promotions d'Écoles Militaires prestigieuses immortaliseront sa Mémoire:
- SAINT CYR: Promotion "GÉNÉRAL MONCLAR"
- E.M.I.A. : Promotion "BATAILLON de CORÉE"
- E.M.I.A. : Promotion "CAPITAINE BARRES"
Le 27 Juillet 1995, une délègation de seize Vétèrans de Corée conduite par le Président National Charles De GUINE a représenté les Forces Françaises de l'O.N.U. en Corée à l'inauguration solennelle du Mémorial dédié aux Combattants de la guerre de Corée à WASHINGTON (DC) THE KOREAN WAR VETERANS MEMORIAL. Le Président CLINTON, dans son allocution, salua le courage et le sacrifice du million et demi ...
Transcription et Condensé par Léon C. ROCHOTTE, Représentant Marine au Conseil National de l'A.N.A.F.F. ONU - R.C. (Septembre 1996)
- Michel ROSSI (Extrait de son livre: Avoir vingt ans à Chipyong Ni)
- En ce temps là l'O.N.U. .... (Éditions REMICOM)
- (Extrait et condensé par L. ROCHOTTE pour ANAFF-ONU Septembre 96)
" À partir du Mardi 30 Janvier 1951, toute la 2ème Division US essaie de former une nasse immense pour attraper les Chinois. La division va former un grand "U" dont les branches seront dirigées vers le nord et écartées de plus de 20 kilomètres. Ce n'est pas une mince affaire et plutôt audacieux; les Chinois sont très supèrieurs en nombre dans une proportion de dix contre un...
....Le troisième bataillon du 23ème régiment US et le bataillon Français démarrent en direction de Chipyong Ni par des routes et des pistes verglacées et glissantes ... Les compagnies avancent en "pitonnant" sur les hauteurs qui bordent la route. Les pentes enneigées sont verglacées et si abruptes qu'il faut grimper à l'aide des mains. Le général MONCLAR fait lui aussi la grimpette pour encourager ses gars. Arrivés le soir à quatre kilomètres de Chipyong Ni, les deux bataillons s'installent autour et dans une vallèe que les Américains appellent "Twin Tunnels". Il y a en effet deux tunnels de chemin de fer, un de chaque côté de la route. C'est l'endroit où, il y a deux jours, une patrouille américaine est tombée dans une embuscade tendue par les Nord-coréens.
Nous découvrons d'ailleurs ce qu'il en reste. Une jeep à moitié retournée est restée en équilibre au dessus du petit précipice surplombant la rivière, est retenue par un petit arbre. Retenu par le volant, le corps d'un jeune lieutenant américain.... Plus loin nous découvrons les carcasses de dix autres jeeps et quelques cadavres. Sur les rails de la voie ferrée à la sortie du premier tunnel, une quinzaine de corps sont alignés côte à côte, leurs mains encore attachées dans le dos. Ce sont des Américains, les "prisonniers" de la patrouille Nord-coréenne...
Le bataillon US prend position sur les pitons à droite de la route et les Français du BF/ONU à gauche. La Première compagnie grimpe sur le piton "453", celui-ci surplombe la profonde vallée perpendiculaire à la route. Sur les pitons de gauche au sud s'installe la "Deux", puis au nord grimpe la "Trois"; La compagnie "ROK" va se placer entre les deux.
Ma compagnie, la "CA" barrera la vallèe...Ses mitrailleuses s'installent sur un petit piton, à l'entrée de la vallée. Notre section quant à elle est envoyée au fond de cette sinistre vallée qui est un véritable coupe gorge. Elle doit prendre une position peu enviable dans le petit hameau, qui a le nom de Munchon, où elle sera absolument seule, les Chinois non comptés, bien sûr!
Notre situation est d'autant peu enviable que nous sommes ici en avant des des lignes des autres forces des Nations Unies.... ...Quoiqu'il arrive, nous ne pourrons compter sur aucun secours... - ..C'est une folie... d'envoyer ainsi une vingtaine d'hommes équipés d'armes lourdes, comme les 75 SR, pour barrer de nuit une vallée à des fantassins ennemis. D'autant que ceux-ci sont environ dix fois supèrieurs en nombre à nos deux bataillons américano-français réunis...
... Tout se déclenche vers cinq heures du matin: sur les hauteurs, des explosions, des tirs d'armes automatiques, vite suivis de cris et appels aux brancardiers, enfin, tout ce qui marque un très violent accrochage, retentit, mais ce n'est pas un simple accrochage, ce sont des tas d'accrochages qui embrasent les pitons.... ... Par radio, le lieutenant reçoit l'ordre de ramener mon groupe sur la route... ...Les bruits intenses de la bataille continuent sur les hauteurs...
Le jour se pointe enfin, avec malheureusement un plafond trop bas pour que les avions puissent nous venir en aide, ... la situation dans son ensemble n'est pas brillante pour nos deux bataillons alliés. Les Chinois ont attaqué en nombre de partout et la situation est très critique. Nous apprenons que dans Munchon tout a vraiment très mal tourné. Ils ont été complètement débordés par les Chinois.. Nous partons à l'escalade d'un piton verglacé pour nous porter au secours d'une mitrailleuse de la compagnie CA en difficulté dont les servants se font descendre par des "snipers" les uns après les autres. En arrivant nous entendons le dernier tireur de la mitrailleuse blessé qui crie en appelant sa mère...Il est sèrieusement touché et deux gars l'évacuent....Nous reprenons la mitrailleuse et devenons aussitôt la cible privilègiée de l'adversaire.. Étant couché à plat ventre, c'est bien la première fois de ma vie que des balles me passent sous le ventre...Elles passent dans l'épaisseur de la neige en dessous de nous...
Les pertes alliées sont très lourdes, mais avec l'aide de l'aviation, le front est tenu et l'ennemi, décimé, est battu.... Mais il ne faudrait pas que mes silences et le masque de légèreté de mes propos dans mon livre faussent la réalité de l'enfer vécu par ceux du Bataillon Monclar et par nos Compagnons d'arme Américains. Je garde profondèment gravé dans mon souvenir ce 1er Fèvrier 1951 aux combats au corps à corps, contre l'énorme masse d'une division chinoise, la 125ème, que nos deux bataillons franco-américains, seuls, ont dû affronter en territoire ennemi. "
(D'après Michel ROSSI)